8 d’oct. 2020

Article de Vicent Partal, "Le Roi et les juges se démasquent et la crise en Espagne devient monumentale" (25 SEPT 2020)

Editorial de Vicent Partal, pour VilaWeb, paru le 25.09.2020 à 21:50.

Traduit en français par Miquel-Àngel Sànchez Fèrriz, avec l'autorisation de l'auteur. Révisé par Anyeline Genicot.

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Original (Catalan): https://www.vilaweb.cat/noticies/el-rei-i-els-jutges-es-descaren-i-la-crisi-a-madrid-es-monumental/

Le roi et les juges se démasquent et la crise en Espagne devient monumentale

Des occasions, des conjonctures, comme celles qui sont en train de se tramer dans l’horizon immédiat, nous en aurons bien peu. Et nous perdons le temps inutilement avec des petites guéguerres de parti.

Je mets en garde depuis des mois : Madrid explose. La permission que le PSOE a ​octroyée en 2017 au monarque et aux juges pour exécuter un coup d’état contre la Catalogne aurait des conséquences. Et ces conséquences sont un coup d’état, en force en ces moments, contre eux-mêmes. On ne peut pas dire à quelqu’un qu'il peut faire un coup d’état et après lui fixer des limites.

Hier, tout d’abord Izquierda Unida et ensuite Podemos, ont dû tenir tête. Le long de la journée, la provocation était telle qu’ils ne pouvaient plus résister. Si le 23 février 1981 ce furent les militaires qui sortirent les chars, aujourd’hui ce sont les juges qui font de même, métaphoriquement parlant. Mais l’éléphant blanc reste le même : le Bourbon. Avec une différence : Juan Carlos était un bon vivant, corrompu, qui pour une bonne beuverie était capable d’accepter n’importe quelle transition. Felipe, lui, est un fasciste.

Et hier Felipe a fait de nouveau comme le 3 octobre 2017, mais cette fois-ci, c'était le PSOE et le gouvernement de Pedro Sánchez qui étaient visés. Tout comme alors, le palais de la Zarzuela* s’est attribué un pouvoir qu’il n’avait pas en faisant un discours partiel, sans la permission du palais de la Moncloa**. Maintenant, Felipe a rejoint le rang des putschistes et l’a fait savoir, jusqu’au point de déclencher une crise monumentale. Oui, Madrid explose.

Il y a quelques jours, dans une interview publiée ici, à VilaWeb, le dirigeant politique Jaume Asens, d’En Comú Podem, prévenait du coup d’état « constitutionnel » qu’il y aurait le 30 septembre. ​Le prélude est tout ce qui vient d’éclater au grand jour : le Bourbon téléphonant à Carlos Lesmes, président du pouvoir judiciaire (CGPJ), et lui laissant entendre qu’il souhaitait venir à Barcelone, mais cela ne lui ayant pas été permis. Le CGPJ préparant un piège au ministre en détachement à Barcelone, avec le cri de ralliement « Vive le Roi », qui était tout un défi au pouvoir politique, à l’instar des derniers jours de la démocratie chilienne d’Allende ; et la presse ultra y mettant le contexte et enflammant la rue. La chose est calculée : la monarchie manœuvre pour éjecter le gouvernement de Pedro Sánchez, ou sûrement pour pousser Pedro Sánchez ou bien le PSOE – gare à la nuance – vers Ciudadanos et le PP. Vers la rupture avec Podemos. J’ai bien dit « gare à la nuance » parce que Pedro Sánchez n'appartient pas au PSOE mais à Pedro Sánchez lui-même. Il ne se soucie que du pouvoir personnel. Et il sait que, si le gouvernement avec Podemos tombe, sa tête aussi peut tomber. Attention donc à d'éventuelles surprises de ce côté-là.

La clef de cette situation est le fait que la droite espagnole a un concept patrimonialiste du pouvoir. Si ce n'est pas elle qui commande en Espagne, le gouvernement qui commande devient automatiquement illégitime. Et les juges espagnols, bunker franquiste avec plein pouvoir, ont un agenda politique propre. Politique. Leur agenda coïncide – et ce n‘est pas étrange – avec celui de Vox. C’est-à-dire, avec celui du monarque.

La guerre a donc déjà éclaté, la question est de savoir ce que deviendront Podemos, Pedro Sánchez et son gouvernement ; mais surtout de savoir ce que nous faisons, ce que nous devons faire, les indépendantistes. Parce que des occasions, des conjonctures, comme celles qui sont en train de se tramer dans l’horizon immédiat, nous en aurons bien peu. Et nous perdons le temps inutilement avec des petites guéguerres de parti.

Madrid explose. Trois années après, la république catalane a été proclamée mais n’existe pas, cela est vrai. Mais il est vrai aussi que l’indépendantisme a réussi à briser en mille morceaux toute l’architecture institutionnelle espagnole. Tous les équilibres, tous les costumes, toutes les galanteries. L’état s’est vu percé à jour, désormais on le voit comme ce qu’il est : un monstre tyrannique entre les mains de postfranquistes, qui tolère – de moins en moins – une certaine dissimulation dans la couche politique et c'est tout. Cela se passe devant nous : le deep state veut diriger l’Espagne sans contrepartie, parce qu’il lui a été permis de diriger contre la Catalogne, et maintenant il veut imposer ce même modèle au reste du pays.

En plus, tout cela au milieu d’une gestion de la pandémie qui, surtout à Madrid, peut dériver facilement vers un conflit social énorme et, par-dessus le marché, avec la destitution du président Torra sur la table. Pas de blague avec cela, ça peut arriver la semaine prochaine.

J’avoue que j’ai été surpris lorsque j’ai appris quel dispositif de police avait été préparé pour freiner les éventuelles protestations dues à la destitution. En ces moments, je ne vois aucune mobilisation qui puisse être comparée de près ou de loin avec celle de l’octobre républicain de l’année dernière. Par contre, je sais que les policiers ont des outils que je n’ai pas pour sonder l’état de la population. Je me demande donc s’ils perçoivent quelque chose avant que je ne le fasse moi.

Je me pose la question parce qu'un deuxième octobre chaud dans la rue maintenant aurait une différence de base avec celui de l’année dernière : à Madrid ceux du régime s’entretuent déjà. Mais aussi, le putschisme judiciaire – dont la destitution du président Torra est l’un des cas plus graves et indéfendables – commence à être perçu par un secteur de l’Espagne et de l’Europe comme un menace réelle à la démocratie, comme étant le grand problème. Qu'en ce moment aussi grave les partis indépendantistes s’occupent de jouer aux élections, c'est un fait lamentable, démentiel.

Rappelez-vous du 1er octobre et du 3 octobre 2017, de l’occupation de l’aéroport, souvenez-vous des Marches pour la Liberté, de la victoire de la place Urquinaona, nous ne devrions jamais oublier que le dernier mot revient toujours à la population.


PS : Le Bourbon a une faiblesse évidente, la corruption. Il est très proche de faire la une d'un journal anglais ou suisse, qui expliquerait qu'il a dû abdiquer pour corruption, lui aussi. Voilà l'une des clefs de tout ce que nous percevons, et auxquelles il faut être très, très attentif. 

 * Résidence du Roi d'Espagne

** Résidence officielle du président du gouvernement espagnol

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English version: https://estudiscatalans.blogspot.com/2020/10/article-by-vicent-partal-king-and.html

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